Dessin de Victor Hugo
Victor Hugo regarde en l’air, il voit des anges,
Et le regret le prend d’être tiré des fanges.
Plus lui aurait complu de vivre au paradis
Que sous un mauvais ciel et sur un sol maudit.
Il colle alors son oeil dans la grande lunette
Afin de découvrir de nouvelles planètes
Où l’on ne serait point par le serpent séduit,
Et dont serait absent le Seigneur de la Nuit.
Il voit un monde avec de très hautes montagnes,
Il voit des mers de sable, il voit aussi des bagnes,
Il voit de grands dortoirs qui n’ont pas de réveil,
Il voit des prés jaunis par les feux d’un soleil.
Il dit que tout cela, grand Dieu, n’est pas terrible,
Mais s’obstine à passer tous ces mondes au crible
De son observation. En impartial témoin,
Il note tous les faits qui se passent au loin.
Mais le ciel s’éclaircit sous les feux de l’aurore.
Ayant enregistré un dernier météore,
Puis un prince menu qui ramone un volcan,
Victor lâche du ciel le décevant carcan
Et retourne explorer des livres le mystère.
Dévorant les récits du passé de la Terre,
Il admire les rois, les grandes lois qu’ils font,
Et leur entendement perspicace et profond.
Il voit comment le barde, ainsi qu’une cigale,
Contre l’oubli se livre à la lutte inégale ;
Il voit comment le son du robinet qui fuit
Éveille le concombre au milieu de la nuit ;
Comment l’Esprit enseigne aux bienheureux apôtres
À louer le Seigneur dans les langues des autres ;
Comment vient la mémoire aux poètes hagards,
Comment le petit prince apprivoise un renard.
Fermant au bout d’un temps le livre aux pages mornes,
Il prend du papier dont la blancheur est sans bornes,
Puis, afin d’occuper son temps de petit vieux,
Il trace quelques vers, à la grâce de Dieu.
Sa femme cependant, qui somnolait dans l’ombre,
Seule sur son grand lit, disait des choses sombres.
Cochonfucius